Panthéon 21 septembre 2012

Le 21 septembre 2012 au Panthéon, à Paris

La Cérémonie

Le vendredi 21 septembre 2012, à 17h, Carmagnole LIBERTÉ avait répondu présent à l’appel de la Société des Etudes Robespierristes pour célébrer le 220e anniversaire de la République sur la place du Panthéon à Paris . Cette cérémonie s’est déroulée à l’issue du colloque organisé à la Sorbonne par la SER sur le thème “1792, Entrer en République”. Nous étions 19 en costume d’époque et pour aucun prétexte nous n’aurions manqué cette cérémonie : entrer au Panthéon en costume révolutionnaire 220 ans après la victoire de Valmy et l’avènement de la République, quel honneur !

La cérémonie s’est déroulée sous une pluie ininterrompue durant deux heures. Le Président de la SER, Michel Biard prononça le discours d’accueil (1). Ce discours fut suivi du dépôt d’un olivier symbolisant un Arbre de la Liberté et de plusieurs gerbes devant le monument de la Convention situé dans le chœur du Panthéon. Pendant qu’une petite délégation emmenée par le tambour de Carmagnole LIBERTE pénétrait sous la coupole du Panthéon, à la demande de la SER, Alain Nice donna lecture d’un texte d’Augustin Robespierre et d’extraits de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793.

A trois reprises la chanteuse Alexx interpréta une sélection de chansons d’époque révolutionnaire.

Tous les groupes politiques présents à l’Assemblée nationale, au Sénat et à la Mairie de Paris avaient été invités à participer à la cérémonie, de même que les plus hautes autorités de l’Etat. Seuls ont accepté de venir les représentants du Parti socialiste (Catherine Lemorton, députée de la Haute-Garonne), du Parti Communiste Français (Pierre Laurent, secrétaire national) et du Parti de Gauche (Jean-Luc Mélenchon, député européen, président du bureau national). Tenant à s’associer à cette célébration de la République, le Grand Orient de France était représenté par Alain Simon, conseiller de l’ordre chargé de la laïcité, Philippe Foussier, grand orateur, Éric Garnier et Jean-Pierre Sbriglio, conseillers de l’ordre.

La cérémonie se termina par une vibrante Marseillaise reprise en chœur par tous les participants. Un très grand merci à la SER pour nous avoir invité. Nous ne pouvions rêver mieux comme publicité au cœur de la Capitale…

Les Discours

Discours de Jean-Luc Mélenchon

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Discours de Michel Biard, président de la SER

Citoyennes, citoyens, chers amis,

A l’initiative de la Société des études robespierristes, née en 1907, reconnue d’utilité publique en 1935, et que j’ai l’honneur de présider aujourd’hui, nous entendons ici, d’une part, célébrer le 220e anniversaire de la République française, d’autre part, honorer la mémoire des représentants du peuple, beau titre porté par les membres de la Convention nationale, qui décrétèrent le 21 septembre 1792 l’abolition de la monarchie. Cela se fit donc au lendemain même de la bataille de Valmy, qui marquait un coup d’arrêt symbolique à cette invasion ennemie alors évoquée dans un chant de guerre appelé ensuite La Marseillaise et qui allait devenir l’hymne national de la France républicaine.

Aussitôt que nous avions envisagé une manifestation publique en marge d’un colloque international organisé à l’Hôtel de Ville de Paris et en Sorbonne les 20 et 21 septembre 2012, notre choix s’est tout naturellement porté sur le Panthéon en raison de la présence dans la grande nef du bâtiment de Soufflot d’un groupe sculpté de Sicard représentant la Convention nationale. Maximilien Robespierre, transformé en bouc-émissaire par ceux qui l’ont abattu dans l’été 1794, figure au premier plan de ce groupe, témoignage salutaire de l’époque du centenaire de la République (époque ici entendue au sens large bien sûr, puisque l’œuvre date du début du XXe siècle). Quel meilleur choix que l’église Sainte-Geneviève reconvertie en Panthéon national par l’Assemblée en avril 1791, qui, en outre, abrite les restes de trois membres de la Convention (Carnot, Condorcet et Grégoire), ainsi que ceux de Voltaire et de Rousseau dont la mémoire a été célébrée par cette même Convention. Nous tenons à remercier ici tous ceux et celles qui ont œuvré pour que notre réunion de ce jour puisse se tenir sur la place du Panthéon, notamment la municipalité de Paris, l’administrateur des Monuments historiques chargé de ce bâtiment, plusieurs associations soucieuses de la mémoire de la Révolution française, enfin tous les élus qui ont bien voulu honorer cette commémoration de leur présence et de leurs écharpes aux trois couleurs issues de la Révolution, sans oublier, cela va de soi, le Président de la République qui nous adressé cet été un courrier soutenant notre initiative.

La Convention avait certes décidé de fixer le premier jour de la République au 22 septembre 1792, et non au 21, et cette tradition est suivie depuis désormais plus de deux siècles lors des commémorations. Ainsi, à Paris et dans d’autres communes, se dérouleront demain plusieurs rassemblements et cérémonies pour célébrer la naissance de la République. D’aucuns pourront à juste titre se demander ce qui peut avoir justifié notre choix du 21. Aussi convient-il de se rappeler que la Convention nationale, cette troisième Assemblée législative de la Révolution, s’est réunie pour la première fois le 20 et qu’elle a décrété l’abolition de la monarchie le 21, à l’initiative de deux de ses membres, Collot d’Herbois, homme de théâtre ayant dès 1789 mis sa plume au service de la Révolution, et Grégoire, évêque constitutionnel du Loir-et-Cher. Le texte alors voté à l’unanimité par acclamations était rédigé de façon on ne peut plus laconique : « La Convention nationale décrète que la royauté est abolie en France ». Le lendemain, à l’ouverture de la séance, un autre représentant du peuple, Billaud-Varenne, proposait de « […] dater les actes [… de] l’an premier de la République française » et ce à compter de la veille. La Convention accepta sa proposition, mais le texte finalement voté ce jour là remplaça la date du 21 par l’adverbe « dorénavant ». La République est donc née de fait le 21, de droit le 22, mais, en tout état de cause, elle n’a pas alors fait l’objet d’une proclamation formelle. Quoi qu’il en soit, comme chacun le sait, elle ne figure ni le 21 ni le 22 septembre dans le calendrier actuel de nos fêtes laïques, paradoxe étonnant pour une République encore si largement fondée sur les acquis de la Révolution, tant dans ses structures territoriales et administratives que pour ses usages politiques et nombre d’autres héritages, notamment culturels. N’en déplaise à ceux qui persistent avec obstination à nier ou à rejeter ces héritages, notre République répond toujours de ce qui fut hier encore désigné sous le nom de Grande Révolution. Si besoin en était, l’émotion et l’élan suscités il y a environ un an par la sauvegarde de précieux manuscrits de Robespierre, désormais entrés dans les collections des Archives nationales, viendraient le rappeler.

Rendre hommage aux représentants du peuple qui eurent l’audace de franchir le pas en cette fin d’un XVIIIe siècle où la plupart des Philosophes avaient répété que la république n’était pas un régime convenable pour des pays de trop vastes superficies, c’est, entre autres, souligner les conditions terribles auxquelles ils furent confrontés dès leurs premières réunions. Dans un pays divisé par de multiples clivages depuis les débuts de la Révolution et surtout depuis 1791, en guerre depuis le printemps 1792 et soumis à l’invasion des troupes prussiennes et autrichiennes, ils eurent non seulement à organiser ce qui était de facto un « Nouveau Régime », mais aussi à faire face à d’innombrables tensions et contradictions. On retient souvent de la Convention nationale sa division tripartite entre les mouvances politiques de la Gironde, de la Montagne et de la Plaine, pourtant les frontières entre elles étaient loin d’être figées dès l’automne 1792. Qui plus est, avec 220 années de recul, force est aujourd’hui d’honorer la mémoire de tous ces représentants du peuple pour le geste accompli le 21 septembre. Clemenceau a autrefois pu dire que la Révolution était un « bloc » au sein duquel il ne convenait point de distinguer ici une séquence paisible, là une autre marquée par les violences. Dans la même optique, nous ne prétendons point trier ce qui pourrait apparaître comme le « bon grain » et l’« ivraie » parmi les membres de la Convention nationale, même si chacun de nous peut naturellement en toute liberté être porté à donner sa préférence à tel ou tel groupe politique, voire à tel ou tel protagoniste. En effet, on pourra toujours à loisir ici mettre en valeur la mort héroïque de ceux qui ont préféré un suicide inspiré de l’Antiquité romaine à l’ignominie de la guillotine, là a contrario stigmatiser ceux qui sont devenus des « girouettes » politiques et ont fait à ce prix de belles carrières sous le Directoire, le Consulat et l’Empire, parfois même au-delà en trahissant leur vote du 21 septembre 1792. Pourtant, à l’heure du souvenir qui nous réunit devant le Panthéon, c’est l’ensemble des représentants du peuple qui fondèrent la République dont il faut honorer la mémoire, d’autant que la superbe devise « La Liberté ou la mort » pouvait alors donner lieu à des réalités très concrètes. Faut-il le rappeler ? Sur un peu moins de 800 membres que comptait l’Assemblée, en ajoutant aux 749 titulaires les suppléants ayant siégé à un moment ou un autre, 85 périrent de mort violente entre 1793 et 1795, et ce nombre s’élève même à 94 si l’on retient également ceux qui eurent le même sort entre 1795 et 1799. Nous n’avons pas davantage à opérer un tri entre la mort des uns et celle des autres ; la plupart sacrifièrent leur vie au nom des idéaux républicains, au nom de la liberté, au nom de l’idée d’un bonheur à terme accessible, même si des affrontements partisans les avaient un temps opposés. De ces centaines de représentants du peuple, les historiens et a fortiori ce qu’il est convenu de nommer le « grand public » n’ont guère retenu que quelques dizaines de noms et la mémoire de quelques-uns suscite parfois encore des controverses, ainsi celle de Maximilien Robespierre sur laquelle pèse toujours une légende noire aussi coriace qu’aberrante, depuis qu’il a été transformé en bouc-émissaire par ceux-là mêmes qui l’avaient abattu, « l’Incorruptible » se muant soudain en « tyran sanguinaire ». Pourtant, tous sont devenus des protagonistes fondateurs de notre République.

Edgar Quinet, l’un des premiers historiens de la Révolution, rapportait il y a bien longtemps ces paroles prêtées à l’un de ces représentants du peuple déjà bien oublié au XIXe siècle et désormais totalement inconnu ou presque : « Genevois, député de l’Isère à la Convention nationale, se sentant près de mourir, à Vevey, fit appeler son domestique : – Quand je serai mort, lui dit-il, et que les Bourbons auront été détrônés, tu viendras sur ma tombe et tu diras : Nous les avons chassés ! Mes os tressailliront de plaisir ». Pareille déclaration plaisait à coup sûr aux oreilles républicaines du XIXe siècle et fut par exemple assurée d’un tonnerre d’applaudissements en septembre 1892 lors de la célébration du centenaire de la République qui donna lieu à de nombreuses cérémonies partout en France. Un siècle plus tard, l’absence de toute perspective de restauration royaliste a certes rendu les propos de Genevois moins dignes d’une application immédiate. Toutefois, quand bien même les dépouilles des représentants du peuple ne seraient pas remués par notre actuel rassemblement devant le Panthéon, les idéaux pour lesquels ils ont combattu et les héritages qu’ils nous ont transmis sont, eux, toujours d’une actualité brûlante.

En septembre 1992, notre République a célébré dans une relative discrétion son bicentenaire. Quiconque relit aujourd’hui les journaux des 21 et 22 septembre 1992 réalise que nos médias n’avaient alors d’yeux que pour les résultats serrés du référendum sur le traité européen de Maastricht. Pourtant, à l’occasion du grand colloque international organisé à ce moment par Michel Vovelle, Pierre Bérégovoy, le Premier ministre d’alors, était venu en Sorbonne et avait prononcé, au nom de l’État et en l’absence du Président de la République souffrant, un discours en hommage aux fondateurs de la République. Il insistait sur trois caractéristiques majeures de celle-ci : être fille des Lumières, être née de la Révolution, être laïque. Nous ne pouvons aujourd’hui que faire nôtres ses mots lorsqu’il déclarait que « les valeurs républicaines ne sont ni archaïques, ni conquises à jamais ». Au-delà de tous les combats, de toutes les luttes, qui ont été menés depuis deux siècles pour la défense de la République et de ses idéaux, notamment lorsque le régime de Vichy prétendit les faire disparaître, demeurent en 2012 des mots encore très lourdement chargés de sens, à commencer par ceux qui sont inscrits sur nos bâtiments publics : liberté, égalité, fraternité. Certes, cette fière devise n’est pas née en 1792, néanmoins il s’agissait déjà de promouvoir et de défendre ces mêmes principes, et de croire en leur universalité. Deux siècles durant, les enseignants, en bons « hussards de la République » comme d’aucuns les nommaient, ont joué un rôle clé dans la transmission d’une culture républicaine, mais aussi dans une promotion sociale assurée par l’école, avec à la clé tous les enjeux de l’égalité des chances, de l’intégration et de la cohésion sociale. En 2012, dans une France de plus en plus insérée dans la construction européenne et soumise aux défis de la mondialisation, les principes de notre République sont plus que jamais d’actualité et méritent qu’on les défende. Quelle que soit sa condition sociale, a fortiori quelle que soit son origine, personne ne doit être laissé sur le bord du chemin dans une république digne de ce nom. Les représentants du peuple qui abolirent la monarchie il y a 220 ans sont les mêmes qui, en 1793, inscrivirent dans une nouvelle Déclaration des droits l’idée d’une dette publique à honorer vis-à-vis des plus démunis. A leurs yeux, créer la République ne suffisait pas, ne pouvait se limiter à un simple changement de Constitution, il fallait encore fonder la République par des institutions sociales. Ainsi convenait-il de reconnaître des droits sociaux nouveaux, tels ce droit au travail et ce droit aux secours qui font toujours rêver des milliards d’êtres humains au XXIe siècle. Les mêmes représentants du peuple achevèrent de libérer les paysans des dernières contraintes liées à la domination seigneuriale en juillet 1793 ; puis ils abolirent l’esclavage en février 1794, étendant aux territoires coloniaux les droits conquis de haute lutte depuis l’été 1789 par les sujets du roi de France devenus citoyens français. Quand bien même l’application de ces droits dans les colonies fut-elle partielle, porteuse de contradictions et à terme de terribles drames humains, ce pas accompli dans la voie d’une émancipation universelle n’en était pas moins remarquable.

Aujourd’hui encore, la République doit être, ne peut qu’être, sociale pour être démocratique, tant il est vrai que démocratie et république doivent être indissociables, tant il est évident que la démocratie ne se réduit pas à l’exercice du droit de voter et d’élire, aussi fondamental soit-il. En reprenant la belle phrase de Saint-Just, je conclurais volontiers que « le bonheur est toujours une idée neuve en Europe ». En ces premières années d’un nouveau siècle, dans un grand nombre de pays, par-delà les séquelles des guerres coloniales, la France est souvent encore perçue comme l’héritière de la Révolution et de la République que celle-ci enfanta. A nous tous, gouvernants et gouvernés, d’être dignes de cette réputation enviable et de ne pas voir là que des mots creux prétendument passés de mode, tandis que des échos révolutionnaires nous viennent à présent d’autres horizons géopolitiques. A nous tous d’agir pour la défense des idéaux hérités des représentants du peuple élus à la fin de l’été 1792, d’être soucieux de préserver ce lien social qui a marqué durablement notre modèle républicain et civique, et qui doit rejeter loin de nous l’égoïsme, l’intolérance, ainsi que toutes les formes d’exclusion et de racisme.

Honneur à la Convention nationale et vive la République !

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